Le refus de la violence physique et verbale

Souvent lorsqu’on parle de violence, ou tout du moins de châtiments corporels sur les enfants, on entend une sorte de clivage entre violences physiques et verbales, toujours à l’avantage des violences physiques, qui consiste à dire que les violences verbales peuvent faire bien plus de mal que les violences physiques. Ici, à l’Arbre à bébés, nous maintenons que les deux formes de violence sont à bannir, qu’elles sont aussi néfastes l’une que l’autre.

La violence éducative ordinaire

Les châtiments corporels existent de longue date dans l’éducation des enfants. Cela va de la « simple » tape sur la main à la fessée (on entend souvent parler de tape sur la couche chez les tout-petits, comme si c’était la couche qui était tapée, et non les fesses, cette façon de parler a sans doute une signification, c’est une fessée qui ne s’assume pas, car il doit être un peu gênant de parler de fesser un enfant si petit…), en passant par les claques, les gifles, le vocabulaire est riche et divers pour désigner ces « corrections ». On ne parlera pas des divers instruments utilisés pour châtier, comme les martinets, qui devraient être réservés aux seuls musées. Les châtiments corporels s’apparentent à une forme de violence, puisqu’il s’agit de force physique utilisée pour dominer, s’imposer, et finalement faire comprendre à l’autre qu’on est plus fort et que par conséquent il faut obéir, sous peine de représailles.

fessée

 

Mais qu’apprend cette violence à nos enfants, appliquée au champ éducatif ? Que peuvent-ils comprendre, dès lors qu’ils sont ainsi contraints à l’obéissance ? La réponse s’impose d’elle-même, et ne semble pas trop tirée par les cheveux : ils apprennent que le recours à la violence est normal et juste, pour peu qu’ils soient des enfants, qu’ils doivent l’accepter car ils sont petits. Ils apprennent la domination des forts sur les faibles, des grands sur les petits. Or que leur serine-t-on à longueur de journée ? Qu’ils ne doivent pas taper, a fortiori  plus petit qu’eux ! On va même jusqu’à les taper pour les sanctionner d’avoir tapé ! L’incohérence serait cocasse, si elle n’était pleine de conséquences funestes… On déplore la violence comme dernier mode d’expression chez des jeunes en rupture sociale, et on ne remet pas en question l’éducation classique et majoritaire.

Concrètement ?

Dès ses premières expériences d’exploration de l’environnement, qu’il est fondamental d’envisager comme des expériences, et non pas comme des « bêtises », si l’enfant se fait rabrouer par des tapes sur la main, tout d’abord il ne comprend pas pourquoi son parent est mécontent, et devient violent en tapant. Sa première réaction peut même être le rire, car il ne comprend vraiment pas et cherche le sens de ce comportement inhabituel et incongru. Puis il comprend que le parent est mécontent, et commence à anticiper, en ayant peur. Or on peut faire autrement, en adaptant l’environnement, et en expliquant pourquoi son comportement est dangereux (ex : prises électriques)/sale (ex : fouiller les poubelles), etc. Il ne faut pas avoir peur de rabâcher, à force il finit par intégrer les règles, dans la douceur et en ayant vraiment compris les raisons, contrairement au cas de l’enfant à qui on a mis une fessée, qui comprend qu’il faut se soumettre sous peine de châtiment corporel. On peut être amené à user de la contrainte physique, lorsqu’il s’agit d’un danger immédiat, comme l’enfant qui court vers la route, ou qui ne veut pas s’attacher en voiture, c’est-à-dire de le prendre dans les bras et de le tenir fermement, contre sa volonté. Dans ce cas il ne s’agit pas d’une correction, mais d’un maintien de l’enfant, afin de le soustraire immédiatement au danger.

Dire non aux châtiments corporels

mains

C’est pourquoi nous disons non à la violence physique, en vertu d’une valeur d’exemplarité, afin d’apprendre à nos enfants qu’on peut et qu’on doit utiliser toute autre forme d’expression que la violence. Nous ne tapons les gens avec qui nous sommes en rapport, nous n’en avons pas le droit, nous devons faire des efforts pour arriver à nous faire comprendre autrement, et il en va de même avec les enfants. Dire non à la violence éducative ordinaire, c’est la plupart du temps (nous sommes peu à avoir eu la chance d’être élevés sans le moindre recours aux fessées, claques et autres) arrêter une continuité, un fil conducteur de violences qui remontent à loin. C’est donc difficile car les réflexes sont bel et bien présents, mais cet effort est primordial si nous voulons enseigner un autre type de rapports, basés sur l’égalité et le respect, à nos enfants.

Et la violence verbale dans tout ça ?

On entend souvent, lorsqu’on parle de notre refus de la violence physique, que les brimades verbales seraient infiniment plus pernicieuses et néfastes. Au-delà du fait qu’il s’agit en général d’un argument de personnes en faveur des châtiments corporels, nous pensons ici que ces brimades sont à mettre au même niveau, c’est-à-dire à éviter purement et simplement.

cri

Mais qu’entend-on par violence verbale ? Il s’agit de différentes choses. Tout d’abord ce qui tombe sous le sens, ce sont les cris. Les cris et autres hurlements, et même « la grosse voix », font peur aux enfants, et d’ailleurs c’est fait pour ! Or nous ne voulons justement pas faire peur à nos enfants, obtenir d’eux une obéissance (l’horrible mot !) qui viendrait de la peur. Essayons de prendre un peu de recul au moment où nous rabrouons notre enfant : parlerions–nous de cette façon à un adulte ? A notre conjoint ? L’accepterait-il ? Bien sûr que non ! Nous voulons au contraire expliquer les choses à nos enfants, partant du principe qu’ils n’ont pas de mauvaise intention, et qu’ils peuvent comprendre nos arguments. Cela nécessite de nous mettre à leur hauteur, de faire un effort d’intelligence et de compréhension nous-mêmes. A ce prix, tout le monde est gagnant, il n’y a pas de perdant. Cela implique aussi d’importants efforts de maîtrise de soi-même, car il est difficile de garder son sang-froid en toute circonstance. Difficile mais utile !

D’autres formes de violence verbale, ces paroles d’apparence anodine mais si toxiques !

On peut tout à fait être toxique, sans taper ni crier. En effet dans le champ du verbal, se cachent des formulations qui n’ont l’air de rien, mais qui cachent une grande toxicité. Par exemple toutes les formes de chantage affectif : « Sois sage pour faire plaisir à maman. ». Par essence on ne devrait pas demander quelque chose à un enfant pour faire plaisir. L’enfant agit pour lui-même, pas pour faire plaisir à quelqu’un d’autre. Ce sont deux choses sans rapport (voir sans punition ni récompense), de plus si il agit pour faire plaisir, ce plaisir étant une chose très arbitraire, on risque de le rendre peu sûr de lui, dépendant du regard de l’autre. On retrouve cette dépendance du regard d’autrui chez de nombreux adultes, victimes pendant leur enfance de chantage affectif. Ce chantage affectif d’un parent sur son enfant peut se dérouler sur toute une vie, l’âge adulte n’arrêtant pas ce processus… « Tu me fais de la peine… » .

caïn

A ce chantage affectif s’ajoutent aussi toutes les dévalorisations, qu’il faut prendre garde à ne pas reproduire malgré nous. Toutes les petites phrases qui nous échappent, commençant par « tu. » : « tu es lent, paresseux, bagarreur, maladroit, pénible, tu as mauvais caractère, tu me fatigues, etc. ». Ces phrases étiquettent très sûrement nos enfants, qui finissent par rentrer dans la peau du personnage, pour se conformer aux attentes de ses proches. Nous devons faire attention à ne pas décrire l’enfant, (ce qu’il est n’appartient qu’à lui, et les tentatives de le décrire sont toujours maladroites), mais décrire ce qu’il fait.  Encore mieux, l’idéal serait de décrire l’effet qu’ont ses actions sur nous : « quand tu mets une heure  pour t’habiller, je me sens énervée, parce que j’ai peur qu’on soit en retard », plutôt que « tu es lent ». Le temps d’y réfléchir, et de le mettre en phrase, notre énervement a déjà baissé !
Il faut éviter aussi la survalorisation, qui consiste à féliciter à outrance l’enfant, qui finit par vivre dans le regard forcément positif de ses parents. Il attend leurs félicitations, vit dans la hantise de les décevoir, et contrairement aux apparences est finalement peu sûr de lui…
Si refuser les châtiments corporels peut apparaître assez simple (hors pulsions de violence héritées de notre enfance justement), éviter la violence verbale  s’avère beaucoup plus difficile, c’est un exercice exigeant, et personne ne peut prétendre à la perfection dans ce domaine. Cela nécessite une attention particulière à la manière dont nous nous adressons à nos enfants, et sans nuire à la spontanéité, des réflexes finissent par s’installer. Et ce nouveau respect dû à l’enfant s’installe durablement, allant même jusqu’à changer nos vies.
Claire