Premiers conflits

« non!!!!! »

« Veux PAAAAAAs »

« nonononon!!!! »

Ça y est… On l’avait entendu sans trop y croire avant que notre premier enfant n’y vienne à son tour. Il peut avoir 15, 18, 24 mois quand ça commence, difficile d’anticiper. Ce qui est sûr c’est qu’elle est là! Quoi donc? La fameuse « crise d’opposition », qu’il serait plus juste de nommer « crise d’affirmation du soi ».

C’est souvent à ce moment là que ressurgit un vocabulaire qui avait déjà du être évincé près du nourrisson: colères, caprices, céder, etc. Le risque en se laissant aller à ce type de langage, et de rentrer rapidement dans un rapport de force avec son enfant.Et l’entourage est bien souvent là pour y aller de sa petite phrase « oh lala petit tyran!! », « tu te fais bouffer », « et voilà, tu vois, fallait pas céder quand il était petit, maintenant c’est lui qui commande »…

Laissons donc (autant que possible, ce n’est jamais simple) les mauvaises langues et les mauvais conseils à la porte, et essayons d’y voir plus clair.

Allez, on respire doucement, voilà…. par le nez pour souffler, l’expiration bien longue. Voilà, ça va déjà mieux, non ?

Qu’est-ce qui se passe? Pourquoi notre enfant hier si souriant, gai et coopératif est-il tout à coup irritable, refuse tout, crie, hurle… bref s’oppose tout le temps (même si ce n’est pas continuel, le contraste est souvent tel que l’on vit les choses dans une sorte de permanence). Plusieurs situations se présentent, parfois étalées dans le temps, parfois simultanément. Elles sont la conséquence des développements physique et émotionnel de l’enfant, qui vont croissants, alors que le langage n’est pas encore acquis.

« Aide-moi à faire seul » (M.Montessori)

Tout d’abord, l’enfant a de plus en plus d’aptitudes physiques: il marche, grimpe, explore un nouveau niveau de son environnement. Donc il « peut » et veut faire de plus en plus de choses et se voit en conséquence refuser également beaucoup de choses. Il est difficile de lâcher prise avec un enfant 2 ans sur l ‘épluchage des légumes, la patouille dans l’eau avec l’état de la salle de bains qu’on imagine, etc. Le maître mot est « lâcher prise », le tout en réaménageant une fois de plus l’espace. Après tout, cela a déjà été fait au moment du 4 pattes, puis de la marche… Il est possible de proposer à l’enfant des choses qu’il peut faire seul, car bien souvent derrière le non se cache un besoin d’autonomie. Mais il reste important d’entendre leur envie d’essayer de faire seuls. Parfois c’est trop difficile.Mais l’enfant a le droit de s’en rendre compte par lui-même. Et ensuite d’exprimer sa frustration, qu’elle soit entendue, accompagnée.

La question des limites se pose de façon très présente à ce stade de la vie familiale. Le sentiment de débordement nous pousse souvent à une escalade de « non » entre parent et enfant. Il est important de bien définir ce qui est important pour nous, ce qui est réellement non négociable pour lâcher prise sur le reste. Est-ce si grave que la salle de bains soit inondée, que l’enfant mange seul et se retrouve avec plus de nourriture sur lui que dans son estomac? La réponse vous appartient. Et cela demande un travail sur soi, ce lacher-prise. Quelles sont les émotions qui se réveillent si vous laissez faire telle ou telle chose? Accueillez les pour vous également, tout en préservant votre enfant de ce qui ne lui appartient pas. Parlez-en entre parents, avec les ainés, qui ne saisissent pas toujours pourquoi eux ne peuvent pas faire ce qui est autorisé pour leur petit frère ou petite sœur. Certaines choses seront possibles avec un parent, pas avec l’autre, et inversement. Ce n’est pas grave tant que les choses sont dites. Et ne pas hésiter à échanger avec d’autres parents désireux du même accompagnement respectueux, rien que le fait de savoir que l’on n’est pas seul peut être un grand soulagement.

A qui est le problème ?

Et dire non, c’est dire « je ne suis pas toi ». Parfois, ils disent non et font oui. Cette incohérence peut nous faire sourire ou nous agacer. Parfois on a envie de leur dire « mais tu sais bien que… » ou encore on s’agace de les appeler pour la quinzième fois et que le petit dernier de 2 mois est emballé dans l’écharpe pour -10°C dehors – que c’est l’heure d’emmener le grand à l’école – qu’on va être en retard au boulot (rayer les mentions inutiles).

Une des premières choses à garder à l’esprit, c’est leur age. 18 mois, 2 ans, ou un peu plus, qu’importe, ils sont encore petits. Ils ne peuvent encore pas contenir leurs émotions, ils commencent tout juste pour certains à les différer des quelques minutes. Prenons un exemple simple:

Quand votre enfant court en riant à l’autre bout de l’appartement, il joue. Vous non, mais comme dirait Gordon (Parents Efficaces tomes 1 et 2) : « à qui est le problème ». Dans le cas de cet exemple votre enfant n’a pas de problème. Être à l’heure, c’est le problème de l’adulte. C’est donc normal que l’enfant refuse d’aider à la résolution d’un problème qui n’existe pas pour lui.

Admettons que vous prenez la décision que « ça suffit maintenant on y va », plusieurs situations peuvent se produire :

  • on craque, ça arrive, les mots s’envolent, l’enfant prend peur, pleure, obtempère ou non, toujours est-il que pour cette fois, c’est raté niveau respect de l’enfant. Ce n’est pas grave dans la mesure ou la situation est analysée ensuite par le parent, et que des mots sont posés : « j’ai peu dormi, du coup je suis moins patiente, et je regrette de m’être emportée » par exemple.

  • On attrape l’enfant et on entreprend de lui mette nous même ses chaussures/manteau/bonnet (qu’importe) et de partir là tout de suite . Si l’enfant accepte, pas de souci. Envisageons donc la situation ou l’enfant ne veut pas. Il se contorsionne, hurle, tape, essaye de se sortir de cette situation qu’on lui impose. La patience a déjà été mise à rude épreuve par l’attente précédente, c’est généralement une situation type de dérapage. En tout cas, je l’ai observé chez moi comme dans plusieurs familles de mon entourage. Là encore, à qui est le problème: soit à l’enfant qui veut faire seul et on n’a plus le temps, soit à l’adulte car l’enfant sait qu’il ne veut pas. Dans les deux cas, l’enfant va ressentir une frustration car son besoin ne sera pas satisfait. Déterminer la source réelle de la frustration permettra d’accueillir celle-ci correctement et de verbaliser pour l’enfant, soit « oui, c’est difficile, tu aurais voulu t’habiller tout seul et ce n’est pas possible », soit « oui, c’est très désagréable pour toi, tu aurais voulu rester jouer à la maison ». Ce qui n’est pas du tout la même chose.

  • Une troisième voie serait de prendre manteau ou autres, et de partir comme ça. En général ils s’aperçoivent assez vite qu’ils n’ont pas de chaussures ou qu’il fait froid! S’ils veulent sortir comme ça, c’est parce qu’ils ne peuvent pas encore projeter que dehors il fait froid. Laissons les libres de faire leurs propres expériences, tout le monde s’y retrouvera à plus ou moins court terme.

Nommer les émotions

Avec l’exemple précédent apparaît l’importance de nommer justement les ressentis. Ce qui apparaît comme un exercice assez difficile dans un premier temps se fera de plus en plus naturellement. Chaque conflit est une occasion de s’améliorer !

On se rend rapidement compte que le vocabulaire des émotions « spontané » est très pauvre: on se prend à répéter les mêmes mots pour des situations différentes, alors qu’ils ne décrivent pas exactement ce que l’on ressent. Or, plus la description du ressenti sera précise, mieux elle sera acceptée et reçue par l’enfant qui la sentira plus juste. Ainsi, il se sentira mieux compris ou entendu si l’on décrit avec précision ce qu’il semble ressentir. De plus, la précision des questions lui permettra de répondre non à ce qui ne correspond pas exactement à ce qu’il vit, mais également d’acquérir naturellement ce vocabulaire qui nous fait défaut. Un exemple de mot fourre-tout est la colère, alors que la description du ressenti serait plutôt agacement, frustration, déception… la conséquence étant relevée au lieu de pointer la cause.

Il est également important de reconnaître nos propres émotions. Tout comme pour eux, toutes les émotions sont acceptables, mais tous les comportements ne le sont pas. Dire à son enfant comment on se sent l’aide également à percevoir notre variabilité : nous ne sommes pas sensés être constants dans nos réactions, parfois on est fatigué, triste ou au contraire gai ou expansif. Informer son enfant le prévient de nos dispositions en matière de patience, disponibilité, etc. Tout en gardant à l’esprit que nous sommes les adultes, et que c’est à nous de nous mettre à leur hauteur et non le contraire: ils n’ont pas à gérer et accueillir nos émotions. Dans l’idéal pour cela, nous aurions nos propres parents, ce sera le plus souvent le compagnon de vie, ou une personne amie qui pourra jouer ce rôle. Voire pour certains un professionnel quand on ne s’en sort pas, les enfants pouvant réveiller en nous des souffrances endormies.

Conclusion

« Gérer vraiment la frustration, c’est regarder l’objet du désir et traverser en conscience toutes les émotions qui se présentent, sans s’y accrocher, sans leur laisser le pouvoir, simplement en les regardant, en les acceptant comme telles » (I. Filliozat, L’Intelligence du Coeur)

C’est à nous, adultes, de les accompagner vers cette aptitude avec amour, patience et disponibilité.  « Les crises se désamorcent quand on ouvre les bras, les oreilles et le cœur. »