Allaiter et travailler

Deux témoignages, celui de Raphaëlle et de Caroline :

Raphaëlle

Raphaëlle allaitait avec bonheur sa fille de 13 mois tout en travaillant à temps plein.
Pendant toute ma grossesse j’ai voulu allaiter. Combien de temps ? au minimum jusqu’à la reprise du travail, après… je ne savais pas trop. Dans mon cas, j’ai pu « économiser » le maximum de congés payés pour « prolonger » mon congé maternité jusqu’aux 4 mois de mon bébé. Il est vrai avec le concours de mon médecin généraliste, qui m’a généreusement octroyé un congé pathologique d’un mois (abusivement appelé congé d’allaitement puisque selon la sécurité sociale, et en dépit de tous les bienfaits prouvés de l’allaitement sur la santé de la mère et de l’enfant, ce n’est pas un bon motif !).
Deux semaines avant la reprise du travail… panique à bord ! Les informations que je m’étais procurées m’ont convaincue petit à petit de ne pas passer à l’allaitement mixte (lait maternel à la tétée, lait dit « maternisé » au biberon), mais de continuer à allaiter en travaillant. Pour cela, il faut se procurer un tire-lait. On peut se faire prescrire un tire-lait électrique, dont la location sera remboursée par la sécurité sociale, mais personnellement je ne l’ai pas trouvé très pratique. Un modèle manuel fait relativement l’unanimité, d’autant qu’il se manipule d’une main, permettant ainsi de tirer tout en allaitant de l’autre sein.
L’allaitement au travail est protégé par le code du travail. Vous avez droit à une heure par jour (pas forcément rémunérée, voir votre convention collective), pour allaiter (si la nounou ou la crèche n’est pas loin), ou pour tirer votre lait dans un local mis à votre disposition. Dans mon cas j’ai joué la discrétion, tiré mon lait dans les toilettes, le mettant ensuite dans le frigo de la salle café. Quelques collègues étaient au courant, sans plus. Le texte de loi, je l’ai gardé au cas où, en cas de conflit.
 Ce qui est généralement préconisé : tirer son lait 1 à 2 semaines avant la reprise afin de se constituer un stock (frais et/ou congelé). Ne pas donner de lait au biberon, de crainte d’une confusion sein-tétine (le bébé risque de ne plus savoir téter à cause de la « facilité » du biberon et de la position de succion différente). Faire proposer le lait par une autre personne, le bébé risquant de refuser s’il sent sa mère à proximité. Remplacer une tétée par semaine.

Ce que j’ai fait : J’ai donc commencé à constituer un petit stock (environ 300ml). Au cours de ces 2 semaines, prenant le risque d’une confusion, j’ai fait proposer par autrui un biberon de mon lait à raison d’un par jour (après-midi), moi-même n’étant pas dans la pièce. Biberon sans cesse refusé, pleurs inconsolables… tout le monde énervé et inconsolable… bref, cela se terminait par une tétée sous le regard désapprobateur des « autruis » qui ne me soutenaient pas vraiment dans ma démarche. A la veille de la « semaine d’adaptation » en crèche familiale, mon bébé n’avait bu que 25ml au maximum par biberon proposé, dans les pleurs. En trois jours d’adaptation, elle avait compris, et « vidait » allègrement le biberon proposé par son assistante maternelle ! Une légère confusion sein-tétine a duré une semaine, que j’ai réussi à rééduquer.

 Si c’était à refaire : Je ne préparerai pas la reprise, si ce n’est en prévoyant un petit stock de lait pour ma part et en parlant à mon bébé. Le premier biberon ou la première tasse serait proposé par l’assistante maternelle en mon absence. Concernant la confusion, j’ai eu la chance d’arriver à rééduquer les 2 confusions qu’a faites mon bébé (dont une à un an passé !), mais ce n’est pas évident… on peut donc faire donner le lait avec différents dispositifs. Le plus simple, avant d’essayer des objets coûteux et/ou introuvables, est de proposer… le verre ! vous serez surprises…

Ensuite, en routine… avec parfois des déplacements d’une, deux, trois journées… en plus de la déchirure affective, il faut prévoir le lait !

Ce qui est généralement préconisé : le lait, une fois tiré, peut être conservé 8h à 25°C, 1 semaine à 8°C, 3 mois en congélateur. Les récipients en verre sont préférables. Tout le matériel doit être stérilisé. Le réchauffage doit s’effectuer au chauffe-biberon ou au bain-marie, pas au micro-ondes, qui dégrade certains composants. Ne pas réchauffer plus de 2 fois le lait.

Ce que j’ai fait : Après une semaine de stérilisation du matériel, j’ai complètement laissé tombé, mon bébé ayant 4 mois révolus et portant tout et n’importe quoi à sa bouche, et connaissant les propriétés bactériostatiques du lait. La congélation en biberons a le désavantage d’obliger à décongeler plus que ce que le bébé consomme en une fois… j’y ai donc préféré rapidement la congélation en bacs à glaçons. Les glaçons étaient ensuite déconditionnés pour être mis en sachets de congélation. Cette solution peu onéreuse permettait de proportionner le lait en quantité exactement nécessaire ! Les sachets étaient étiquetés de la date de « traite », je gèrais mon stock en consommant toujours le lait le plus ancien. Les quantités à laisser à l’assistante maternelle, et éventuellement à la personne gardant le bébé lors de mes déplacements, se sont précisées petit à petit. Au début, un peu de gâchis car on laisse plus…
 Si c’était à refaire : pareil !
La diversification, à partir de 6 mois, permet de tirer de moins en moins de lait, et de remplacer les repas diurnes par des solides. Chaque bébé est différent, et le mien ne s’est passé de mon lait en journée que vers un an. D’autres, plus précoces, l’ont pu vers 8-9 mois. D’autres encore n’ont jamais voulu le lait donné par la nounou. D’autres enfin, à un an, ne sont quasiment pas diversifiés. Chaque bébé est différent !
A 13 mois, ma fille tètait matin et soir, c’étaient des moments exceptionnels. Ma lactation s’était adaptée, et le tire-lait était réservé aux déplacements de plus de 12 heures…

Précisons à la place de Raphaëlle que sa fille ne boit pas de lait industriel. Pendant la journée, elle avait des laitages de type yaourts, qu’elle supportait très bien depuis ses 12 mois. Eh oui, c’est bien la preuve qu’on peut allaiter son bébé longtemps et travailler à temps plein (avec des déplacements professionnels à l’étranger).

Caroline

Caroline allaite sa fille de 8 mois en travaillant à 80%.
L’allaitement fut au départ un tel défi, qu’une fois les difficultés des débuts surmontées, il m’était inconcevable d’arrêter à ma reprise de mon travail.
J’ai donc repris mon activité professionnelle aux 5 mois de ma fille. Je connaissais très tôt ma date de reprise, ce qui m’a permis de bien anticiper.

J’ai commencé à tirer mon lait aux trois mois de ma fille. Les différents témoignages m’avaient bien aidé car tous affirmaient l’importance de réaliser des stocks de lait au congélateur. Par ailleurs, comme je donnais mon lait au lactarium, cette action m’a permis de me familiariser avec le tire- lait.
Évidemment, les débuts ont été un peu chaotiques car je tirais très peu mais progressivement et assez rapidement j’ai réussi à tirer minimum 100ml par jour.

S’est donc ensuite posé la question de la manière de donner mon lait à ma fille. Mon compagnon et moi avions décidé de lui donner dans un premier temps au biberon. Vers ses 4 mois, le Papa a donc essayé de lui donner un biberon de mon lait, notre fille n’en a pas voulu… Ce fut un moment un peu difficile pour mon compagnon et moi. Nous n’avons donc pas insisté et sur de très bons conseils de notre entourage, nous avons réessayé plusieurs jours après. C’était un après-midi où j’allais à la piscine avec notre grand.
Mon compagnon étant seul 2 heures avec notre fille, a réitéré et cette fois-ci elle a bu le biberon en 5 minutes chrono !!! C’était 15 jours avant ma reprise de travail.

Nous avons donc enchainé avec l’adaptation chez l’assistante maternelle et aucun souci avec elle, pour le biberon.
Je précise que j’avais de la chance d’avoir une nourrice qui a tout de suite accepté un bébé encore allaité alors même que c’était une première pour elle. Autant elle avait quelques appréhensions au début, autant elle m’a soutenu rapidement dans mon choix.
J’ai donc repris mon emploi à temps partiel 4 jours par semaine avec une coupure le mercredi, ce qui je pense a facilité la continuité de l’allaitement.
Les jours travaillés, je tirais mon lait le matin tout en faisant téter ma fille, puis le midi sur mon lieu de travail (j’avais un bureau personnel qui me permettait de tirer en toute tranquillité) et parfois le soir. Ma fille tétait le matin et le soir.
Les débuts ont été parfois difficiles car ma fille prenait encore trois biberons de mon lait chez la nounou ce qui représentait 500ml par jour. J’avais donc le sentiment d’être scotchée à mon tire lait et les jours de stress et de fatigue ma lactation s’en ressentait. D’où l’importance du stock au congélateur qui permettait justement de pallier ces moments de baisse de lactation. Ainsi je n’étais jamais à court de lait.
J’ai vraiment pu « lâcher prise » à la diversification alimentaire puisque mangeant des solides, ma fille buvait un biberon de mon lait en moins.
Les mercredis et week-end, ma fille tètait à la demande et même si elle prenait un laitage le midi chez la nounou, elle continuait de téter avec moi pour ce repas-ci. De fait, ma lactation s’est bien maintenu.

A 8 mois, ma fille été encore allaitée et ce pour notre plus grand bonheur !
Il me semble que les clés de la réussite sont :
•    Une confiance en soi et un entourage soutenant (mon compagnon m’a toujours soutenue dans mon choix et m’a rassurée les jours de fatigue, de baisse de lactation et de stress)
•    Une bonne réserve au congélateur
•    Des lectures et une information optimale

Même si le code du travail octroie une heure quotidienne à ses salariées pour tirer son lait (et ce jusqu’au un an de l’enfant) il faut bien reconnaitre que cette pratique et ce choix ne sont pas encore démocratisés. J’ai beau exercer mon métier dans un milieu ouvert et tolérant, je fais figure d’exception dans mon équipe. Je n’ai jamais eu de remarques désagréables ou négatives mais je sentais bien que mon choix interpellait et questionnait. Je me suis dis qu’allaiter et travailler restait une bataille au quotidien et qu’il nous fallait être vigilant pour ne pas remettre en question ce droit surtout en période de crise où le salarié est de plus en plus pressurisé pour être toujours plus productif et efficace.
Mon argument de taille c’est qu’un enfant allaité est en meilleur santé, tombe donc moins malade. La mère est donc moins absente de son travail et plus épanouie grâce à ce choix (enfin c’est comme cela que je vis mon allaitement tout en travaillant !!)
Alors que l’on ne me parle plus de rendement et de productivité moindre de la mère qui allaite….

Caroline, maman de T. (2006) et M. (2009)